Faire pousser des plantes dans le sol lunaire, c’est possible ! En effet, c’est ce que viennent de montrer récemment des chercheurs de Floride. Leur article de recherche a été publié le 12 mai 2022 dans la revue Nature et est consultable par le lien suivant : https://www.nature.com/articles/s42003-022-03334-8
Article assez long, avec des explications scientifiques très précises et en anglais, nous vous proposons ici une version résumée, traduite et vulgarisée, qui permettra à toutes et tous d’aborder le sujet.
Introduction
Le rêve de la conquête spatiale a poussé les Américains à mettre en place le célèbre programme Apollo il y a quelques décennies. C’est dans le cadre de ce programme que le premier pas de l’Homme sur la Lune a été effectué, le 21 juillet 1969. Outre ce « grand pas pour l’humanité », les missions Apollo ont permis de ramener des échantillons de roches lunaires sur Terre.
C’est dans ces échantillons de roche que des chercheurs ont réussi à faire pousser des plantes. L’espèce choisie, l’Arabette de Thalius, est connue pour sa grande résistance. La possibilité de faire pousser des plantes sur la Lune serait un premier pas vers de futures missions lunaires habitées et de longue durée, principalement dans le cadre du programme Artemis (cf Programme Artemis).
L’expérience et ses résultats
Les chercheurs ont évalué la croissance des plantes dans des petits échantillons de sol lunaire rapportés par les missions Apollo 11, 12 et 17. Ils ont également fait pousser la même espèce de plante dans un échantillon de sol témoin, noté JSC1A.
Les graines d’Arabette ont été arrosées, ventilées, alimentées en nutriments et exposées à la lumière. Leur méthode de culture simule ainsi un environnement potentiellement similaire à un habitat lunaire occupé par l’homme.
La germination s’est faite facilement sur tous les échantillons, entre 48 et 60 heures après la plantation des graines. Cependant, à partir du 8ème jour, les chercheurs ont constaté une croissance ralentie, des racines rabougries et des signes de stress au niveau des feuilles et des tiges. Seules quelques plantes se sont développées presque aussi bien sur le sol lunaire que celles du témoin.
Pour examiner les différences morphologiques liées au stress, les chercheurs ont analysé l’expression des gènes dans leurs plantes, en fonction de l’échantillon lunaire, et ont comparé avec le témoin JSC1A. Ils ont constaté un grand nombre de gènes différemment exprimés dans les échantillons lunaires. Certaines différences avec le témoin étaient communes aux trois sources d’échantillons lunaires (Apollo 11, 12 et 17), tandis que d’autres différences étaient propres à chaque source. Parmi celles communes à tous les échantillons lunaires, on trouve notamment les gènes associés au métabolisme des nutriments, à la privation de phosphate et aux contraintes liées au sel et aux métaux. Pour ce qui est des gènes exprimés différemment de façon unique à chaque source, on constate les caractéristiques d’un stress supplémentaire, par exemple un remodelage de la paroi cellulaire. Cela suggère que les plantes répondent de façon discernable en fonction de l’emplacement qu’on leur donnerait si on les faisait pousser sur la Lune.
Par ailleurs, les chercheurs ont pu regrouper les plantes étudiées en trois catégories selon leur morphologie. La catégorie « Sévère » concerne les plantes minuscules, déformées et de couleur noir/rougeâtre. La catégorie « Petite » correspond aux plantes de petite taille mais vertes et bien proportionnées. Enfin, les « Grandes » sont de couleur et de formes normales, mais toujours plus petites que celles de l’échantillon témoin.
Les petites et grandes plantes n’ont montré que peu de modifications d’expression des gènes par rapport au témoin. Cela suggère que si les plantes ont un développement presque normal aux premiers stades de leur croissance, leur expression génique se rapproche de celle des plantes cultivées dans le témoin JSC-1A. En revanche, les plantes de catégorie « sévère » ont exprimé différemment plus de 1000 gènes, principalement à cause du stress, montrant une réaction sévère aux échantillons lunaires.
Conclusion
Ces données ont démontré que les plantes terrestres sont capables de croître dans les sols lunaires. Ces sols pourraient donc être utilisés pour la production végétale et les expériences sur la Lune. Cependant, ces données ont également démontré que les plantes peuvent ne pas s’épanouir pleinement. De plus, les plantes ont largement interprété les sols lunaires comme stressant en raison de leur composition. Bien que des exemples de plantes peu développées aient été représentés dans chacune des sources Apollo, dans l’ensemble, les plantes cultivées dans l’échantillon d’Apollo 11 (sol le plus mature) ont eu le plus de difficultés et ont montré le plus grand nombre de gènes exprimés différemment. Les plantes cultivées dans l’échantillon d’Apollo 17 ont eu le moins de difficultés et ont montré moins de gènes exprimés différemment. Ainsi, bien que cette étude démontre que les plantes peuvent utiliser le sol lunaire, une caractérisation et une optimisation supplémentaires seraient nécessaires avant que le sol lunaire puisse être considéré comme une ressource in situ.